De la fleur à la graine

La Nature offre tout au long de l'année une série de changements qui va des floraisons printanières à la perte du feuillage en hiver au changement de couleur des feuilles caduques à l'automne. Parallèlement à ces grands spectacles, d'autres transformations aussi importantes que les métamorphoses des chenilles en papillon nous échappent souvent. Parmi elles, l'apparition des fruits tient une place particulière que nous allons évoquer dans cet article.

De la fleur à la graine : partie 1 - La transformation en fruit

Une question de temps

Si la sortie de la chrysalide d'un papillon est aussi connue, c'est parce qu'elle se déroule sur laps de temps court qui permet au photographe patient d'illustrer le spectacle. La croissance des végétaux, elle, est beaucoup plus lente, et les changements qu'elle entraine nous échappent souvent.

Si on peut facilement illustrer par une plantation de blé ou de lentille la transformation d'une graine en plante, l'apparition des fruits se fait presque exclusivement dans la nature et, du coup, est difficile à mettre en œuvre dans une classe. Le résultat est que, pour les enfants comme pour beaucoup d'adultes, après la floraison, les fleurs fanent et tout s'arrête.

Le fruit : le maillon manquant

Comment expliquer que des graines se retrouvent dans la terre alors que nous voyons uniquement des plantes qui portent des bourgeons, des feuilles, des fleurs ou des fruits ? D'où viennent donc ces semences ? Cette question reste souvent sans réponse chez les enfants (.. et les adultes). Il semble manquer un maillon entre la graine et la plante et pour cause, les graines, petites, semblent pouvoir être cachées n'importe où.

Se poser des questions pour répondre à d'autres est une méthode très utilisée dans le raisonnement scientifique. Ici encore, ça marche bien avec la question suivante :

  • Si je veux faire pousser un abricotier (un olivier) que dois-je planter ? et où peut-on trouver cet élément ?

De fil en aiguille, l'idée que les noyaux, les pépins, sont des graines arrive et, de là, le fruit apparait comme le maillon manquant où se cachent les graines.

Fruit de la lunetière lisse
Fruit de la
lunetière lisse

Du pistil au fruit : le grain de pollen qui change tout.

Dans la fleur, les pétales et les étamines ont une vie très courte, de quelques heures à quelques jours. La fleur de ciste voit, par exemple, ses pétales tomber à la fin de la journée. Le pistil au centre de la fleur connait le même destin sauf si, à son sommet, se dépose du pollen de sa propre espèce ; un seul grain suffit. Le grain de pollen du sommet du pistil va s'étirer le long du style pour arriver jusqu'à l'ovaire. Là, il va donner deux éléments qui auront des rôles différents : un élément mâle ira féconder un ovule contenu dans l'ovaire et l'autre élément fécondera une seconde cellule qui, elle, provoquera la transformation du reste de l'ovaire en fruit. C'est donc une double fécondation qui aboutira à la formation d'un fruit contenant la ou les graines.

Fruit de l'Érodium
Fruit de l'Erodium

Chez les pins et plus généralement dans le groupe des gymnospermes (pins, sapins, cyprès, genévriers, if . etc.,) il n'y a qu'une simple fécondation qui donne la graine. Le fruit, lui, se forme avec ou sans le dépôt du pollen.

Même fleur, même fruit ?

Si les fleurs d'une même famille ont de grandes similitudes, les fruits n'obéissent pas toujours à cette règle. Les chênes ont des fleurs en chaton et donnent tous des glands. Dans leur famille (Fagacées), les fleurs sont toutes en chaton, mais les fruits sont des faines pour le hêtre et des châtaignes pour le châtaignier. Dans la famille du chou (Brassicacées) les fruits servent de critères d'identification des espèces. Plus généralement, de nombreuses espèces ont un nom commun qui vient de leur fruit (noisetier, pommier, poirier, les fruits en forme de lunettes de la lunetière lisse , le fruit de l'Erodium bec de cigogne, etc..

De la fleur à la graine : partie 2 - Le fruit et la dispersion des graines

Voici le dernier épisode de l'aventure du pistil. Rappelez-vous, un petit grain de pollen avait réussi à provoquer d'énormes modifications au sein du pistil aboutissant à sa transformation en un fruit. Dans cette partie nous allons voir ce que devient le fruit et répondre à la question à quoi sert le fruit ?.

Le temps du départ

Enracinées dans la terre, les plantes couvertes de fruits ne peuvent aller semer les graines qu'ils contiennent. Un danger les menace alors, celui de voir pousser leur descendance à leur pied et de devoir partager avec des centaines de nouvelles plantes l'eau d'un petit carré de terre. Si tel était le cas, ce serait la catastrophe, les milieux naturels seraient peuplés de bosquets de plantes chétives au milieu d'étendues désertiques où la terre serait lessivée par les pluies.

Nous voyons pourtant que les plantes occupent la moindre parcelle de terre libérée par le jardinier à tel point qu'elles en deviennent de mauvaises herbes. Il existe donc un système qui permet aux graines de se disperser loin de la plante mère et cette invention majeure est tout simplement le fruit.

Fruit de l'érable
Fruit de l'érable

Dans la cour des grands

Nous avons déjà vu que le pollen pouvait être dispersé dans les airs, il en est de même pour certaines graines qui restent avec le fruit qui leur sert d'aile pour tourbillonner pendant la chute. Ce dispositif n'est efficace que si la graine tombe d'une grande hauteur et c'est donc chez des arbres comme les érables que l'on trouvera ces fruits ailés. Arrivée à terre, loin de l'arbre d'où elle est tombée, la graine va germer en passant à travers la paroi du fruit. Dans ce cas, le fruit ne s'ouvre pas tout seul. L'autre exemple, plus spectaculaire, d'arbre envoyant ses fruits dans les airs, est celui des peupliers qui, à la fin du printemps, dispersent des milliers de flocons blancs contenant de minuscules graines.

Fruit de la luzerne
Fruit de la luzerne

Mais tous les arbres n'ont pas des fruits qui volent, les chênes ont des glands lourds qui tombent à leur pied. Dans ce cas l'arbre ne doit son salut qu'à des reboiseurs involontaires... les écureuils et les geais (oiseaux). Ces deux animaux sont prévoyants et vont faire des réserves de glands pour la mauvaise saison. Lorsque les glands sont oubliés ou perdus dans la terre, ils germent et donnent naissance à ne nouveaux arbres. Ce sont chaque année des millions d'arbres qui sont ainsi plantés par ces deux auxiliaires. Les glands qui restent au pied de l'arbre sont quant à eux, rapidement mangés par les sangliers.

L'avantage de la hauteur disparait chez les buissons et les herbes, mais d'autres dispositifs existent que nous allons voir.

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l'écureuil, par ses réserves, contribue à la dispersion des glands

Des animaux qui aident les plantes.

Nous l'avons déjà vu lors de la fécondation du pistil, les animaux peuvent aider les plantes à surmonter le handicap de leur immobilité en transportant des éléments (du pollen dans ce cas). Pour leurs graines, les plantes vont, à nouveau, faire appel au règne animal et pour cela le principe reste le même : de la nourriture en "échange" du transport.Dans le cas des graines, c'est le fruit qui sert de nourriture.

Pour les fruits charnus, les noyaux et pépins sont trop coriaces pour être digérés. Lorsque l'animal élimine ses excréments, ils les libèrent sans le savoir loin de la plante mère. Ainsi, les baies mangées par les oiseaux permettent de disséminer les graines dans les fientes.

Dispersion des graines du Pissenlit
Dispersion des graines du Pissenlit

Pour les fruits secs, leurs petites tailles permettent leur transport par les fourmis. Dans la fourmilière fruit et graine servent de nourriture, le résultat est donc négatif pour la plante. Par contre, au cours du long périple qui mène une fourmi vers sa colonie, de nombreuses graines sont perdues et c'est ainsi qu'a lieu la dissémination de la plante.

Le festival des inventions pour disperser les graines

Quelle créativité ! Voici les principales inventions des plantes leur permettant de disséminer leurs graines sans l'aide des animaux.

Dispersion des graines en catapulte de l'Erodium
Dispersion des graines
en catapulte de l'Erodium
Le parachute du pissenlit

Même lorsqu'on est une plante basse on peut profiter du vent, les fruits du pissenlit sont de minuscules parachutes qui s'envolent au moindre courant d'air

les catapultes du spartier et des erodiums

Le premier est un buisson, le second une herbe et les deux ont la même technique de dispersion. Le fruit en murissant à ses parois qui se tendent et finissent par lâcher subitement en éjectant au loin les graines comme les boulets d'une catapulte

Les scratchs de la luzerne

Se servir des animaux sans rien leur donner est la stratégie de la luzerne dont les fruits munis de crochets s'accrochent au pelage des mammifères (et aux lacets des homo sapiens) puis se décrochent lorsqu'ils font leur toilette.

La bombe du cornichon d'âne et les autres

Encore plus fort, le cornichon d'âne à des fruits, dont l'intérieur, va accumuler du gaz. Mis sous pression, le fruit, à la moindre vibration, finit par exploser en libérant graine et pulpe, une dissémination originale.

Les exemples n'en finissent pas, graines équipées d'un petit appendice spécial fourmis, fruit salière du coquelicot ou pulpe collante du fruit du gui. Une énorme diversité de fruits pour répondre au même objectif : disséminer les graines pour sauver son espèce.

E. PENSA