Et maintenant ? Premier constat - août 2016

Déclenché par l'homme et soutenu par ses alliés, sécheresse et mistral, l'incendie a dévasté la nature vitrollaise : Impressions après le drame.

Le désastre
Le désastre

Le désastre

Samedi 20 août 2016 - Il est 18 heures, une odeur désagréable a envahi l'air. Je me devais de revenir ici, non par curiosité, mais par respect pour cet endroit et les personnes qui y vivent et y travaillent.

J'ai passé une année scolaire dans ces lieux riches en couleurs, en découvertes sensorielles, dans une ambiance de travail apaisée.
Ici, en une randonnée, on découvrait la flore méditerranéenne et assez d'indices de présences animales pour combler une demi-douzaine de séances d'initiation à l'environnement .
Du haut de ce plateau ou sur la moindre colline, les mêmes paysages où se meulaient forêts, garrigues et champs, vallons, ruisseaux et falaises.

Limaçon carbonisé
Limaçon carbonisé

Comme tout paysage méditerranéen, les aménagements de défense contre l'incendie venaient se superposer au décor. J'ai l'habitude de dire que sous nos étendues bercées du concerto des cigales on a, depuis longtemps, aménagé l'espace pour mieux faire face à cet ennemi. Et pourtant, cette fois-ci, rien n'y a fait, la guerre est perdue.

Ce 20 août, je ne peux que constater cet échec, je suis sur le plateau de Vitrolles où une marée enflammée a emporté le paysage, laissant derrière elle une étendue monochrome puante.
La vie a été emportée par les flammes.
J'entends encore des personnes penser que le feu peut faire du bien à l'environnement en enrichissant de sels minéraux le sol. Lorsqu'on est face à ces paysages lunaires, on ne peut croire une seconde que tout cela est positif. Si les cendres peuvent être vues comme un apport pour le sol où sont les végétaux pour en profiter ?
La Nature n'est pas un champ épuisé que seul un apport extérieur peut ramener à une fertilité artificielle. Ici des milliards de décomposeurs se nourrissaient de brindilles, bois et feuilles mortes et participaient à leur lente transformation en sels minéraux. Nul besoin du passage d'un incendie pour aider cet environnement autonome et efficace dans ce recyclage permanent de la matière. Que reste-t-il de ces cigales, oiseaux, insectes et araignées ? Quel avenir pour ces buissons aux branches entièrement calcinées ? Je suis écœuré.

La vie toujours là ?
La vie toujours là ?

Et maintenant ?

Pourtant mon métier m'a appris que ce tableau noir et gris va lentement reprendre des couleurs. Alors, par habitude, mes yeux fixent quelques instants le sol où même les rochers ont noirci. Au cœur de cette désolation, j'observe la longue route de fourmis noires. Elles ont survécu et, comme si rien ne s'était passé, sont en plein travail. La récolte a l'air bonne, les porteuses de graines se succèdent dans ce désert minéral.
Plus loin, sur ma route, je surprendrai deux lapins survivants dans des étendues encore vertes. Il faudra faire avec ce bilan catastrophique et être patient. La vie reprendra ses droits, moins riche qu'avant la catastrophe.

Je reviendrai ici.

E. PENSA