La cigale : une longue vie à l'abri des regards (suite)
3. De la larve à l’adulte, la longue vie des cigales
La naissance et le grand saut
C’est d’une tige de grande herbacée (comme les asphodèles ou les fenouils), d’une brindille, une branche de diamètre variable ou même d’un tronc que vont sortir, après leur naissance, les jeunes cigales. Elles sont alors grandes comme un grain de riz et leur couleur est blanche. C’est le premier moment dangereux, car, sans aucun moyen de défense, elles sont à la merci de nombreux invertébrés prédateurs (fourmis, coléoptères, guêpes, etc.) . Rapidement, les larves se jettent au sol et s’y enfouissent pour y chercher leur premier repas.
Les années sous terre
Pendant 2 à 5 années (parfois jusqu’à 17 chez les espèces américaines), c’est une vie dans la nuit totale qui attend les larves ; le temps de la croissance. Les larves se nourrissent en piquant les racines qu’elles rencontrent dans le sol.
Pour arriver jusqu’à celles-ci, la cigale creuse des galeries. Un travail de forage permit par des pattes avant particulièrement robustes et équipées de griffes ressemblant à celles des courtilières. C’est avec son urine qui arrive jusqu’à ses pattes foreuses par des conduits situés sous son ventre que la larve arrive à modeler la terre, la tasser, et à renforcer la stabilité des galeries. Une fois les racines trouvées, elle confectionne une loge “salle à manger” dans laquelle elle prendra ses repas de sève.
Une série de mues et enfin la sortie
La sève des racines va fournir des repas plus ou moins copieux et permettre la croissance entrecoupée de plusieurs mues (souvent 5). Chacune de celles-ci sera accompagnée d’un changement de taille et par l’apparition progressive de nouveaux caractères comme des ébauches d’ailes.
La dernière mue sera la plus longue à venir et se déroulera en dehors du sol. Pour s’y préparer, la cigale creuse une galerie verticale qu'elle ne finira d'ouvrir que le jour J.
Le cas particulier des cigales périodiques
Si, en France, nous entendons chaque année les cigales, c’est parce que leur cycle de vie est relativement court et surtout parce qu’il existe chaque année une génération prête à sortir de terre. En Amérique, certaines espèces n’apparaissent que tous les 13 ou 17 ans et tous les individus sortent en suivant ce rythme. On parle alors de cigales périodiques. Les scientifiques pensent que ce comportement aurait pu permettre d’éviter certains prédateurs qui auraient un cycle décalé. 13 et 17 étant des nombres premiers, ces périodes permettent d’éviter ainsi tous les prédateurs dont le cycle s’étale au-delà de 1 an.
Dernière étape à haut risque
C’est souvent la nuit ou tôt le matin que la larve va enfin ouvrir les derniers centimètres de galerie qui la sépare de l’extérieur. À sa sortie, elle se dirige vers un support proche, une tige ou l'écorce d'arbre. Arrivée en hauteur, elle s’immobilise en attendant que démarre le processus le plus important et le plus dangereux de sa vie, sa dernière mue.
Lentement, par des contractions répétées, la peau de son dos finit par se fendre et s’ouvrir, laissant entrevoir une nouvelle cigale teintée de brun et de vert. À la manière d’un “Alien”, la tête et le thorax sortent et l'ensemble bascule en arrière. C’est dans cette position, le dos libéré, que les ailes vont lentement se déplier. L’insecte finit ensuite sa transformation en s’accrochant à son ancienne peau, son exuvie, et attend que les ailes finissent de sécher. Il faut en moyenne deux à trois longues heures pour que la cigale soit prête à prendre son envol, à condition qu’elle ait échappé jusque là aux prédateurs.
4. Chants et amours de cigales
La reproduction démarre par la cymbalisation du mâle suivie par l’arrivée de la femelle attirée sa fréquence spécifique. La copulation a lieu côte à côte ou abdomen contre abdomen et sa durée est d’une ou plusieurs dizaines de minutes.
Après celle-ci le couple se sépare ou s’accouple à nouveau après une pause. Si le couple se défait, mâle comme femelle peuvent s’accoupler avec de nouveaux individus.
5. La ponte et la mort
Posée sur la brindille, la branche ou la tige d’une grande herbacée, la femelle écarte son ovipositeur de l’abdomen et perfore la surface du support non sans provoquer des éclats. Méthodiquement, les œufs sont déposés par petits groupes empilés, souvent dans deux loges parallèles. Les premiers paquets déposés, la femelle s’éloigne en remontant pour une faire nouvelle entaille et y déposer la suite de sa ponte. Plusieurs centaines d’œufs peuvent ainsi être cachés. Après la ponte, la femelle arrive rapidement à la fin de sa vie. Les œufs resteront en moyenne deux mois à l’abri avant que le cycle recommence.
Quelques prédateurs
De sa naissance à sa mort, la cigale n’aura aucun moyen de défense. Pas de mauvaises odeurs comme les punaises, juste une parure de camouflage que le chant rend inutile. Même la trompe, capable de percer le bois, n’est pas utilisée. Chouettes, martinets, guêpiers, fourmis, guêpes, ichneumon sont les grands prédateurs de ces insectes pacifiques.