Partie 8 : Une Nature 'intelligente' - fin

Les plantes étant fixées au sol par leurs racines, elles ne peuvent pas se déplacer pour rechercher et trouver leur partenaire sexuel. De fait, ce sont bien souvent les Animaux [essentiellement les Insectes, mais aussi parfois des oiseaux – dans un certain nombre de cas, le vent, ou, plus rarement l'eau, peuvent jouer ce rôle] qui déposent, de façon involontaire, inconsciente et aléatoire, les grains de pollen sur l'extrémité réceptrice du pistil, le stigmate. Cette interaction est à l'origine d'une cascade d'événements qui aboutiront, en particulier, à la fécondation de l'oosphère par l'un des spermatozoïdes, qui résulte en la transformation de l'oosphère fécondée en graine et du pistil en fruit.

Les deux groupes, abeilles et plantes à fleurs, sont donc indissociables; ils ont évolué conjointement, partenaires l'un de l'autre au fil des millions d'années. Comment un tel partenariat pourrait-il avoir été le fruit du hasard? Peut-on envisager l'évolution «bloquée» au stade des conifères et des grands arbres à fleurs (comme le chêne, le Frêne et bien d'autres arbres de nos forêts) – pollinisés par le vent – simplement parce que le «hasard» n'aurait pas permis l'émergence de certains Insectes? Est-ce vraiment seulement «par hasard» si les Plantes à fleurs ont développé d'innombrables stratégies pour favoriser leur pollinisation par les Insectes? Pensons à cette orchidée qui développe un véritable leurre, organe de la taille, la forme, la couleur et même l'odeur d'une femelle d'abeille, à laquelle les mâles tentent désespérément de s'accoupler, déposant ainsi sur la fleur les précieux grains de pollen! Pensons à la Sauge, dont les fleurs présentent un mécanisme qu'actionnent involontairement et inconsciemment les abeilles lorsqu'elles viennent les butiner: ainsi les étamines s'abaissent jusqu'à entrer en contact avec le corps des abeilles, rendant le dépôt de pollen sur leur corps inévitable!

Les «limites» de l'évolution

Certes, il est possible de raisonner différemment: le hasard produit un certain nombre de formes vivantes, et seules celles qui sont les mieux adaptées survivent; les autres sont impitoyablement condamnées à disparaître. Dans cette optique, on postule que la nature est capable de produire un éventail virtuellement infini de formes vivantes, certaines dépassant les limites de notre imagination, comme semblent le prouver, par exemple, certains Animaux de la faune d'Ediacara dont nous avons déjà parlé. Mais la nature a-t-elle vraiment «carte blanche» pour inventer «tout et n'importe quoi»? Définitivement, non. On sait que les conditions qui règnent sur Terre, en termes d'éclairement, de rayonnements, de température, d'humidité, de pression, de salinité, de pesanteur, sont très particulières et imposent, dès le départ, un «carcan» très étroit pour la «créativité» de la nature: seuls les êtres vivants présentant certaines formes, certaines proportions, capables de supporter les conditions de vie, finalement assez réduites.(avec des exceptions notables, comme des températures extrêmes – parfois plus de 100°C! – supportées par quelques lignées bactériennes, par exemple...), semblent pouvoir émerger de cette créativité.

Par exemple, les arbres les plus grands (les Séquoias géants) ne semblent pouvoir dépasser 120 mètres de hauteur, pour une masse de 1250 Tonnes; les Animaux les plus gigantesques, les Argentinosaures (des Dinosaures tellement grands qu'ils ont été appelés Titanosaures), mesuraient jusqu'à 35 mètres de long, pour une masse de 100 tonnes (ce qui est déjà énorme...), mais ces mensurations considérables semblent représenter une limite: il n'a jamais existé, il n'existe pas, et il n'existera jamais de végétal de 500 mètres de hauteur ni d'animal de 100 mètres de longueur... C'est bien pour cela que la notion de hasard me semble éminemment discutable: le hasard «absolu» dont parlent certains auteurs, pour expliquer qu'absolument rien ne dirige l'évolution, ne m'apparaît pas recevable. Pour moi, un hasard absolu, totalement «débridé», ne pourrait rien produire, si ce n'est un chaos incommensurable, un univers «vide». D'ailleurs, des calculs élaborés ont été tentés, pour estimer le temps qu'il faudrait au hasard pour générer une molécule d'ADN, et les résultats semblent probants: les 13.700 millions d'années d'âge de l'Univers n'auraient pas été suffisants...

Le principe anthropique et la place de l’Être humain dans l’Univers

Le principe anthropique peut être brièvement énoncé comme suit: «Les propriétés de l'univers ne sont pas quelconques ou arbitraires: au contraire, les lois et les constantes physiques sont ajustées de façon à être compatibles avec l'existence de l'Être humain». On distingue souvent deux formes de ce principe: la forme dite «faible» se limite à l'adéquation des propriétés de l'univers avec l'existence d'une créature intelligente en tant qu'observateur; la forme dite «forte» affirme, quant à elle, que l'univers contenait le «projet» de l'existence de l'Être humain dès le départ: ainsi, le «but» (ou l'un des «buts») de l'univers serait, tôt ou tard, de permettre l'émergence de l'être humain en tant que créature intelligente, capable de s'interroger sur les origines et, en particulier, l'origine de l'univers lui-même, ce qui formerait une sorte de «boucle». Pour les deux formes, ce principe anthropique est donc très finaliste ce qui, notons-le dès maintenant, est incompatible avec les théories scientifiques comme la Théorie de l'Évolution. En effet, l'existence de l'Être humain n'est point perçue comme accidentelle, contingente, due au hasard (le hasard, comme nous en avons déjà discuté, est l'un des piliers de la théorie de l'évolution), mais au contraire, comme prévue, programmée; elle serait même la raison d'être de l'univers. Peut-on alors penser que le principe anthropique a bien une réalité?

On peut s'interroger sur la signification de l'existence de l'Être humain, mais aussi sur celle de l'Univers tout entier: s'agit-il d'événements fortuits, entièrement dus au hasard, ou bien, au contraire, sont-ils le fruit de quelque intention, de quelque plan, de quelque projet? Si l'Être humain n'a aucune situation privilégiée au sens matériel et géométrique du terme (il n'est pas le «centre du monde»...), alors il n'en a pas davantage au sens moral ou spirituel et ne peut donc être qu'un «miracle sans intérêt»...

Toutefois, il est aujourd'hui acquis que, pour qu'un univers puisse abriter la vie, il doit présenter une géométrie adéquate, en relation avec son taux d'expansion et, donc, la possibilité, pour les étoiles, de durer suffisamment longtemps. Mais quelle précision l'ajustement de cette géométrie doit-il atteindre? Un degré extrême. Il aurait suffi d'abaisser d'un millième de milliardième la vitesse de l'expansion de l'Univers pour que celui-ci, au lieu de continuer à grandir, arrête très tôt son expansion et commence à s'effondrer sur lui-même (certains estiment que cet ajustement devrait être encore plus fin, de l'ordre d'un milliardième de milliardième de milliardième de milliardième de milliardième de milliardième!!). Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres...

Pourquoi l'Univers est-il construit ainsi? Pourquoi les constantes de la physique ont-elles les grandeurs que nous mesurons et pas d'autres? Certains considèrent même que la forme des lois de la physique basée sur la logique – puisque l'on peut les décrire par des modèles mathématiques... - est faite pour être comprise par le cerveau d'une créature intelligente. Comme le disait Einstein: «La chose la plus incompréhensible dans l'univers, c'est que l'univers soit compréhensible.»

Pour finir, on pourrait peut-être ajouter que ce principe anthropique, en termes de pensée et de raisonnement, représenterait en quelque sorte le «chaînon manquant» entre science et philosophie, entre science et métaphysique, entre science et théologie, même si ce principe n'a ni la prétention ni la vocation d'augmenter notre connaissance scientifique.

À la lumière des nombreux articles et ouvrages consacrés à ce sujet, il est clair que l'Évolution est bien plus complexe que ce que l'on pourrait croire, et qu'il faut se garder de penser que tous les processus évolutifs seraient aujourd'hui compris; la science a encore beaucoup de chemin à faire...

À chacun de trouver sa propre vérité, à défaut d'affirmer une «vérité» péremptoire et dogmatique...

THE FULL MIND IS ALONE THE CLEAR.

Article écrit par David EspessetChercheur indépendant en philosophie des sciences, épistémologie et évolution non darwinienne.